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Séquestre conservatoire

{T 0/2}
6P.35/2007
6S.68/2007 /fzc

Arrêt du 20 avril 2007
Cour de Cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président, Ferrari et Mathys.
Greffière: Mme Kistler.

A. ________, recourante, représentée par Mes Philippe Loretan et Stéphane Riand, avocats,

contre

Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, case postale 2050, 1950 Sion 2, Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

Créance compensatrice à l'encontre d'un tiers (art. 59 ch. 1 al. 2 et ch. 2 al. 1 CP), séquestre conservatoire (art. 59 ch. 2 al. 3 CP), répartition des frais,

recours de droit public et pourvoi en nullité contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I, du 22 décembre 2006.

Faits :

A.
Alors employé de la banque X.________, B.________ a fréquenté régulièrement A.________ qui travaillait comme artiste de cabaret. Lui laissant croire qu'il réalisait des gains mirobolants en bourse, qu'il bénéficiait d'une rémunération élevée et que sa famille était très aisée, il menait grand train de vie et dépensait de 5000 francs à 10'000 francs par soir dans l'établissement qui employait A.________. Devenu son amant, il lui a versé en trois fois d'août 2000 à août 2001 le montant de 178'000 francs.

Sur dénonciation de la banque X.________ SA, une enquête pénale a été ouverte, le 19 février 2002, contre B.________ et A.________, notamment pour abus de confiance, voire gestion déloyale et escroquerie. Par décision du 4 juin 2004, le juge d'instruction valaisan a prononcé la disjonction de la procédure dirigée contre A.________ de celle concernant B.________ et suspendu l'instruction ouverte contre cette dernière par un non-lieu. Saisi d'un appel de la banque X.________ SA, le Tribunal cantonal valaisan a, par jugement du 1er juillet 2005, confirmé le non-lieu.

B.
Par jugement du 22 mai 2006, le Tribunal du IIe arrondissement pour le district de Sion a condamné B.________ pour abus de confiance, faux dans les titres, faux dans les certificats, escroquerie par métier et blanchiment d'argent à quatre ans et demi de réclusion, sous déduction de la détention préventive, et à une amende de 200'000 francs. Dans le même arrêt, il a astreint A.________ au paiement d'une créance compensatrice de 175'000 francs (art. 59 ch. 1 al. 2 et ch. 2 al. 1 CP; ch. 6 let. c) et ordonné, en garantie de cette créance compensatrice, un séquestre conservatoire notamment sur le compte xxx au nom de A.________ (art. 59 ch. 2 al. 3 CP; ch. 7 let. c).

A. ________ a formé un appel devant le Tribunal cantonal valaisan concluant à la levée du séquestre opéré sur le compte xxx dont elle était la titulaire ainsi que de tous les séquestres ordonnés au Maroc (ch. 7 let. c du dispositif du jugement attaqué). Par jugement du 22 décembre 2006, la Cour pénale I du Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'appel de A.________ et a prononcé en particulier:

- A.________ est astreinte au paiement d'une créance compensatrice de 175'000 francs (ch. 5 let. c);
- en garantie de cette créance compensatrice, il est ordonné le séquestre conservatoire sur le compte xxx au nom de A.________ (ch. 6 let. c);
- A.________ supporte ses propres frais (ch. 20).

C.
Contre ce dernier jugement, A.________ dépose devant le Tribunal fédéral un mémoire intitulé "recours en matière pénale ou pourvoi en nullité ou/et recours de droit public", dans lequel elle conclut, principalement, que le recours en matière pénale soit admis, subsidiairement que le pourvoi en nullité soit admis et plus subsidiairement que le recours de droit public soit admis. En outre, elle sollicite l'assistance judiciaire.

Le Tribunal cantonal valaisan s'est déterminé sur le mémoire de recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le 1er janvier 2007, est entrée en vigueur la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110). Conformément à l'art. 132 al. 1 LTF, cette loi ne s'applique aux procédures de recours que si l'acte attaqué a été rendu après son entrée en vigueur. La date déterminante est celle de l'arrêt et non celle de la notification de l'expédition complète faisant courir le délai de recours (art. 100 LTF). En l'espèce, la cour cantonale a rendu le 22 décembre 2006 le jugement attaqué, dont les considérants ont été notifiés le 26 janvier 2007. L'acte attaqué a donc été rendu avant l'entrée en vigueur de la LTF, de sorte que le mémoire de la recourante sera traité sur la base de l'ancien droit de procédure.

2.
Dans un mémoire unique, intitulé " (...) pourvoi en nullité ou/et recours de droit public", la recourante requiert la levée du séquestre conservatoire portant sur son compte à la banque X.________ SA, conteste que les conditions d'un prononcé d'une créance compensatrice à son encontre soient réalisées et s'en prend à la décision sur les frais et les dépens. Finalement, elle conclut que le pourvoi en nullité, déclaré recevable, soit admis et, subsidiairement, que le recours de droit public, déclaré recevable, soit admis.

2.1 Le pourvoi en nullité et le recours de droit public sont des moyens distincts soumis - aussi bien en ce qui concerne le dépôt qu'en ce qui concerne la marche à suivre - à des règles de procédure différentes. En principe, il n'est donc pas admissible de réunir les deux voies de droit en un seul et même mémoire. Une exception n'est admissible que si les moyens concernant les deux voies de droit sont traités séparément et indépendamment les uns des autres (ATF 118 IV 293 consid. 2a p. 294; 113 IV 45 consid. 2 p. 46; 104 IV 68 consid. 2 p. 70; 101 IV 247 consid. 1 p. 248).

Cette condition n'est manifestement pas remplie dans le cas particulier, puisque la recourante a déposé un mémoire unique qu'elle a qualifié de pourvoi en nullité et/ou de recours de droit public, laissant au Tribunal fédéral le soin d'en apprécier la nature.

2.2 Si un recourant, dans un acte intitulé "pourvoi en nullité", ne soulève que des moyens relevant du recours de droit public, son acte doit être traité comme un recours de droit public pour autant qu'il en remplisse les conditions de recevabilité (ATF 129 IV 276 consid. 1.1.4 p. 279).

En l'espèce, une conversion est d'emblée exclue parce que les exigences de motivation posées à l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit public ne sont pas respectées. La recourante n'indique en effet pas les dispositions constitutionnelles prétendument violées ni les règles de droit cantonal qui seraient appliquées arbitrairement (cf. ci-dessous). En outre, la jurisprudence refuse d'accorder une conversion si le recourant, assisté d'un mandataire professionnel, opte pour un moyen qui est manifestement erroné (ATF 129 IV 276 consid. 1.1.4 p. 279; 120 II 270 consid. 2 p. 272).

Comme la recourante a conclu d'abord à l'admission du pourvoi, la cour de céans traitera son écriture comme un pourvoi en nullité dès lors que toute conversion en un recours de droit public est exclue, les conditions de recevabilité de cette seconde voie de droit n'étant pas remplies. En conséquence, tous les arguments ou toutes les parties d'argument qui ne sont pas admissibles dans le cadre de cette voie de droit seront pour ce motif écartés.

3.
La recourante s'en prend, en premier lieu, aux conditions du séquestre conservatoire prévu à l'art. 59 ch. 2 al. 3 CP. En particulier, elle sou-tient qu'elle a donné à C.________, au Maroc, les sommes que lui avait remises B.________ entre le 29 août 2000 et le 6 août 2001, à titre d'acompte du prix de vente d'un appartement, sis à Casablanca. L'argent qui se trouve sur son compte xxx lui aurait été prêté par ses soeurs dans le but de faciliter sa remise en liberté, de sorte que la cour cantonale aurait considéré à tort qu'il constituerait un élément de son patrimoine pouvant faire l'objet d'un séquestre en vue de l'exécution de la créance compensatrice.

3.1 Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral examine uniquement la question de savoir si l'autorité cantonale a correctement appliqué le droit fédéral (art. 269 al 1 PPF), soit celui qui était en vigueur au moment où elle a statué. Les nouvelles dispositions de la partie générale du code pénal entrées en vigueur le 1er janvier 2007 ne sont donc pas applicables en l'espèce (cf. ATF 129 IV 49 consid. 5.3 p. 51 s. et les arrêts cités).

3.2 En vue de l'exécution d'une créance compensatrice, l'autorité d'instruction peut placer sous séquestre des éléments du patrimoine de la personne concernée (art. 59 ch. 2 al. 3 CP). Ce séquestre peut porter sur tous ses biens, acquis de manière légale ou illégale, jusqu'à concurrence du montant présumé du produit de l'infraction. Il appartiendra ensuite au tribunal, sur la base des preuves administrées, de confisquer ce qui doit l'être et de maintenir pour le surplus le séquestre en vue de l'exécution de la créance compensatrice. A la différence du séquestre pénal traditionnel, les effets de ce séquestre conservatoire sont maintenus, une fois le jugement en force, jusqu'à son remplacement par une mesure du droit des poursuites. Cette mesure provisoire et purement conservatoire tend à éviter que le débiteur de la créance compensatrice ne dispose de ses biens pour les soustraire à l'action future du créancier (Message du 30 juin 1993 du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire - révision du droit de la confiscation, punissabilité de l'organisation criminelle, droit de communication du financier, FF 1993 III 305).

Bien que la décision ordonnant le séquestre conservatoire repose sur une règle de procédure fédérale, le pourvoi en nullité n'est pas ouvert, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une décision qui peut faire l'objet d'un pourvoi en nullité selon l'art. 268 PPF. Elle ne constitue pas une ordonnance de non-lieu rendue en dernière instance (art. 268 ch. 2 PPF). Elle ne peut être qualifiée de prononcé pénal d'une autorité administrative (art. 268 ch. 3 PPF) et n'est pas non plus un jugement qui ne peut donner lieu à un recours de droit cantonal (art. 268 ch. 1 PPF). En effet, par jugement, il faut entendre non seulement la décision finale qui met un terme à l'action pénale, mais aussi toute décision prise séparément si elle tranche définitivement, sur le plan cantonal, une question de droit fédéral (ATF 123 IV 252 consid. 1 p. 253). Or, comme l'art. 59 ch. 2 al. 3 1ère phrase CP introduit une mesure provisoire, l'autorité cantonale qui la prononce ne tranche pas définitivement, sur le plan cantonal, une question de droit fédéral. Contre une telle mesure, seule la voie du recours de droit public est, le cas échéant, ouverte (cf. Niklaus Schmid, Kommentar Einziehung, organisiertes Verbrechen und Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, § 2/art. 59 CP, n. 175; arrêt du 1er décembre 1999 du Tribunal fédéral 6S.795/1999 consid. 4; arrêt du 29 mars 2000 du Tribunal fédéral 1P.705/1999 consid. 1a; arrêt du 7 avril 1998 du Tribunal fédéral 1P.93/1998 consid. 1a). Le grief soulevé est donc irrecevable dans un pourvoi.

Par surabondance, on peut encore relever que la recourante s'en prend avant tout à l'établissement des faits. Elle développe ainsi une argumentation purement appellatoire qui n'aurait de toute façon pas été admissible dans un recours de droit public (art. 90 al. 1 let. b OJ). En outre, la cour cantonale s'est fondée sur une double motivation pour admettre que le compte séquestré constituait un "élément du patrimoine" de la recourante. En effet, elle a retenu, en fait, que la recourante avait fait revenir sur son compte xxx les 170'000 francs déposés par ses soins auprès de la banque Y.________ à Casablanca pour qu'ils puissent faire l'objet d'un séquestre; mais elle a ajouté que, même si les avoirs lui avaient été prêtés par ses soeurs, elle en avait acquis la propriété juridique, si bien qu'ils constituaient un élément de son patrimoine pouvant faire l'objet d'un séquestre conservatoire (arrêt attaqué p. 36 et 37). S'agissant d'une décision fondée sur plusieurs arguments alternatifs, dont chacun suffit à la justifier, un recours de droit public ne pouvait être admis que si la recourante parvenait à attaquer victorieusement tous les arguments alternatifs (ATF 121 I 1 consid. 5a p. 10; 113 IV 94 consid. 1a/bb p. 95). Or, la recourante ne discute pas la seconde motivation de la cour cantonale.

3.3 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir ordonné un séquestre conservatoire alors que le Procureur général valaisan n'aurait pris aucune conclusion en ce sens ni dans son arrêt de renvoi ni dans son réquisitoire. Ce grief relève de l'application du droit de procédure cantonale et du droit constitutionnel, de sorte qu'il est irrecevable dans un pourvoi (art. 269 al. 1 et 2 PPF). Au demeurant, tel que formulé, sans aucune indication des dispositions cantonales prétendument appliquées arbitrairement et des droits constitutionnels soi-disant violés, ce moyen de droit aurait été également déclaré irrecevable dans un recours de droit public en raison de sa motivation insuffisante (art. 90 al. 1 let. b OJ).

4.
La recourante s'en prend, en deuxième lieu, au prononcé d'une créance compensatrice à son encontre. En particulier, elle soutient avoir fourni une contre-prestation adéquate en offrant ses charmes. Par ailleurs, elle affirme que la confiscation prononcée à son encontre est d'une rigueur excessive, puisqu'elle devra rembourser ses deux soeurs. Le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral revêt un caractère subsidiaire par rapport aux voies de recours de droit cantonal (art. 268 PPF). Il suppose donc l'épuisement préalable des instances et voies de droit cantonales permettant de faire réexaminer librement l'application du droit fédéral. Il en découle que, si l'autorité cantonale ne peut pas examiner un moyen de droit pour des motifs de procédure cantonale et qu'elle n'entre pas en matière sur le problème de fond, il n'y a pas d'épuisement des instances cantonales sur ce point. Autrement dit, les moyens que l'autorité cantonale a déclarés irrecevables ne peuvent pas être soumis au Tribunal fédéral dans un pourvoi en nullité faute d'épuisement des instances cantonales (ATF 123 IV 42 consid. 2a p. 44 s.).

En l'espèce, la cour cantonale a refusé de se prononcer sur la validité de la créance compensatrice au motif que, dans son recours cantonal, la recourante n'avait "pas remis en cause le point 6, lettre c, du jugement du 22 mai 2006 visant la condamnation au paiement d'une créance compensatrice de 175'000 francs" (arrêt attaqué p. 35). Ainsi, elle n'est pas entrée en matière sur cette question pour des motifs de procédure. Il s'ensuit que la recourante n'a pas épuisé les voies cantonales lui permettant de faire réexaminer librement l'application de l'art. 59 ch. 1 al. 2 et ch. 2 al. 1 CP, de sorte que, sur ce point également, le pourvoi n'est pas recevable. Quant au refus d'entrer en matière, il ne peut être examiné dans un pourvoi en nullité, dès lors qu'il repose sur des motifs relevant de la procédure cantonale (art. 269 al. 1 PPF).

Il convient de relever que l'exigence de l'épuisement des voies de recours cantonales vaut aussi pour le recours de droit public (art. 86 OJ). Toutefois, la réglementation n'est pas en tous points identique à celle développée pour le pourvoi en nullité (ATF 119 Ia 88 consid. 1a p. 90 s.). En l'occurrence, la recourante n'aurait toutefois pas pu non plus soulever ce nouveau grief dans un recours de droit public. Au demeurant, essentiellement appellatoire, son argumentation n'aurait pas été admissible (art. 90 al. 1 let. b OJ).

S'agissant de son grief tiré de l'interdiction de formalisme excessif, la recourante n'indique pas la règle de procédure cantonale qui aurait été appliquée de manière trop stricte, de sorte que ce grief aurait été également insuffisamment motivé dans un recours de droit public (art. 90 al. 1 let. b OJ).

5.
Enfin, la recourante s'en prend aux frais et dépens, qui ont été mis à sa charge.

Les frais et dépens devant les autorités cantonales sont réglés par la procédure cantonale, de sorte que le grief soulevé est irrecevable dans un pourvoi. Il en aurait été de même s'il avait été soulevé dans un recours de droit public, puisque la recourante n'indique pas les dispositions de droit constitutionnel et/ou de procédure cantonale qui auraient été prétendument violées (art. 90 al. 1 let. b OJ).

6.
Au vu de ce qui précède, le recours, traité comme un pourvoi en nullité, est irrecevable.

Comme il était d'emblée dépourvu de chances de succès, l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ). La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais (art. 278 al. 1 PPF), dont le montant sera toutefois arrêté en tenant compte de sa situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. Le recours, traité comme un pourvoi en nullité, est irrecevable.

2. La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3. Un émolument judiciaire de 1600 francs est mis à la charge de la recourante.

4. Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante, au Ministère public valaisan et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I.

Lausanne, le 20 avril 2007

Au nom de la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:
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