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Quel est le rapport entre l’aide sociale et la dette alimentaire  

1. La question en contexte
Une question qui nous est souvent posée de la manière suivante : « un parent âgé souhaite donner ses biens à ses enfants pour éviter que la commune ne les saisisse lorsqu’elle ne sera plus en mesure de subvenir à son entretien, notamment aux frais de home ». La question qui se pose, outre celle du lien entre aide sociale et obligations du droit de la famille, est de savoir dans quelle mesure la collectivité publique qui a assuré ou assure l’entretien de la personne âgée peut se retourner contre ses enfants.

2. Relation entre aide sociale et obligations du droit de la famille
Celui qui n’arrive pas à assurer son propre entretien doit être aidé, d’abord par ses proches selon les articles 328 et ss CCS, ensuite seulement par la collectivité publique. En Valais, la loi sur l’intégration et l’aide sociale (LIAS) précise expressément que « l’aide matérielle est subsidiaire à l’obligation d’entretien (art. 276 ss CC) et à la dette alimentaire (art. 328 ss CC) » (art. 31 al. 1 LIAS/VS). L’ordonnance (OLIAS) ajoute que l’autorité d’aide sociale « exerce les droits rattachés à la collectivité publique selon le Code civil » (art. 7 OLIAS/VS).
En droit civil, deux mécanismes coexistent :
– l’obligation d’entretien entre conjoints (art. 163 CC) et entre parents et enfants (art. 276 ss CC) ;
– la dette alimentaire envers les parents en ligne directe tombés dans le besoin (art. 328 ss CC).
Le Tribunal fédéral a confirmé que l’obligation d’entretien passe avant la dette alimentaire (ATF 101 II 21 cons. 3 ; RJN 1997 p. 90).
Lorsqu’une collectivité publique verse des prestations, elle est subrogée dans les droits du bénéficiaire contre ses débiteurs d’aliments : « l’autorité qui a fourni des prestations a un droit de recours contre les débiteurs d’aliments » (art. 329 al. 3 CC en relation avec l’art. 289 al. 2 CC). Autrement dit, la subrogation est le transfert à la collectivité publique des droits du bénéficiaire contre ses débiteurs d’aliments. Ce transfert permet à la collectivité publique d'exiger le remboursement des prestations d'assistance directement auprès du débiteur originel de la personne dans le besoin, en reprenant les droits de cette dernière.

3. Conditions de la dette alimentaire 
Les conditions de la dette alimentaire sont précisément les conditions que la collectivité publique devra démontrer lorsqu’elle se retourne contre un parent après avoir versé des prestations. En effet, l’autorité subrogée ne dispose pas de droits plus étendus que le créancier d’origine. Elle doit établir que les conditions légales de l’obligation alimentaire sont réunies pour exiger le remboursement (art. 329 al. 3 CC et art. 289 al. 2 CC par analogie). Trois conditions cumulatives sont prescrites par la loi et sont précisées par la jurisprudence :
1.    Lien de parenté : seuls les parents en ligne directe ascendante ou descendante (enfants, petits-enfants, parents, grands-parents) peuvent être débiteurs (art. 328 al. 1 CC). Les frères et sœurs n’y sont pas soumis (ATF 61 II 297 ; JdT 1936 I 194).
2.    Besoin du créancier : il s’agit de la personne qui ne peut couvrir ses besoins vitaux par ses propres moyens. Le besoin est défini par référence au minimum vital du droit de la poursuite (ATF 132 III 97). La jurisprudence exige que le créancier ait fait preuve de bonne volonté et ne soit pas en mesure de subvenir à son entretien, faute de quoi il n’y a pas de « véritable état de nécessité » (ATF 121 III 441 ; JdT 1997 I 149).
3.    Aisance du débiteur : est tenu celui dont les ressources permettent non seulement de couvrir ses propres besoins, mais encore de contribuer sans compromettre son avenir. L’aisance suppose que la personne dispose de moyens dépassant son minimum vital, quitte à entamer sa fortune, sauf si cela compromet la prévoyance vieillesse (ATF 132 III 97 ; ATF 136 III 1).
La dette alimentaire est en outre subsidiaire à l’obligation d’entretien (art. 329 al. 1 CC) et peut être refusée si le parent n’a pas rempli ses obligations ou si les relations personnelles sont gravement rompues (art. 329 al. 2 CC). Néanmoins, l’enfant peut être libéré de sa dette alimentaire uniquement si la rupture du lien familial est grave, durable et imputable au parent. Si la distance ou le conflit provient de l’enfant, même partiellement, l’obligation d’aide demeure. Cette solution repose sur l’idée que seule une rupture fautive du parent peut rendre inconcevable qu’une contribution d’entretien soit due par l’enfant.

4. Étendue des aliments
Les aliments comprennent la fourniture de nourriture, de vêtements, de logement, mais aussi les soins médicaux et médicaments (ATF 106 II 287 ; ATF 133 III 507).
Le Tribunal fédéral a aussi reconnu que certains frais médicaux particuliers, comme ceux liés à une toxicomanie, pouvaient être inclus (ATF 106 II 287).

5. Procédure en Valais
Quand une commune agit en subrogation (ce qui n’est pas souvent le cas), elle doit introduire une action alimentaire (art. 328 ss CC) par la voie de la procédure civile.
Depuis la révision du CPC (art. 243 al. 1 CPC), les actions en contribution d’entretien et en dette alimentaire sont jugées en procédure simplifiée, indépendamment de la valeur litigieuse (FF 2020 2627, 2674 s.). Avant la révision si la valeur litigieuse requise était atteinte le procès devait être instruit en procédure ordinaire (ATF 139 III 368 cons. 3.3.3-3.5).
L’introduction de la procédure débute par une tentative de conciliation devant le juge de commune (art. 197 ss CPC ; art. 3 LACPC/VS). Puis en cas d’échec, la demande est portée devant le tribunal de district (art. 4 LACPC/VS).
Ensuite, les voies de recours devant le tribunal cantonal sont soit l’appel, dès CHF 10’000 (art. 308 CPC ; art. 5 LACPC/VS), soit en-dessous de CHF 10'000, le recours (art. 319 CPC). Puis il reste encore le recours en matière civile devant le Tribunal fédéral (art. 72 ss LTF).

6. Conclusion
En résumé et en substance, l’aide sociale est subsidiaire aux obligations familiales. Si la collectivité publique intervient, elle peut agir par voie d’action alimentaire contre les enfants ou autres parents tenus de fournir des aliments, en vertu de la subrogation légale.
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